Louis Céleste Hackspill a enfin trouvé la perle rare

Publié le par Solnade

Camp de St Maur, 17 avril 1879

 

Chère Madame,


J’espérais avoir un mot de vous hier ou aujourd’hui et si j’avais pu m’absenter, j’aurais certainement été vous voir ce soir.


J’aurais voulu pouvoir vous dire encore mes impressions et mes désirs afin de vous prier d’être mon interprète aussi fidèle que possible.


J’ai vu Madame L. trois fois seulement et, après chaque visite, j’ai senti grandes ma sympathie et mon estime.


Il ne m’a pas été difficile de reconnaître chez elle, une personne instruite, distinguée à tous les points de vues, animée de sentiments élevés qui doivent attacher un homme de cœur. La fortune dépasse toutes mes prétentions, je dirai même tous mes désirs.


Dimanche dernier, en quittant Madame Lambert, mes idées étaient bien arrêtées déjà et, même sans avoir reçu votre lettre, je comptais bien aller en causer avec vous. Avant de me prononcer cependant, j’ai cru convenable de régler les questions d’intérêt afin que plus tard elles ne viennent pas se jeter à l’encontre de nos projets ou nous froisser l’un et l’autre.

Pour moi, je n’y entends absolument rien ; je voulais donc laisser à Madame Lambert le soin d’arranger tout comme elle le désirait et soumettre ensuite ses intentions à mon beau-frère qui est mon meilleur ami et mon guide et qui désire vivement me voir marié. Voilà ce que je voulais vous prier de vouloir bien expliquer en mon nom.


Toute ma famille serait ravie de cette union. Mon beau-frère est âgé et malade. C’est moi, par le fait du mariage, qui devient le chef de famille. Un chef de famille, célibataire, sans  intérieur, sans foyer, est un triste trait d’union pour les siens. Tous les miens le sentent si bien, qu’il n’en est pas un qui ne se réjouisse à l’espoir de me voir enfin entrer dans la loi naturelle. Je crois que je ne saurais choisir compagne plus digne et qui fasse plus d’honneur à un mari dans ma position.


Je ne suis malheureusement pas sans défauts ;  un peu entier, un peu gâté, un peu habitué au commandement, mais je crois bon au fond puisqu’on m’aime bien et qu’on me recherche. Si je suis marié, je veux être un bon mari, et cela ne me sera pas difficile si ma femme sait gagner mon affection. Quand j’aime quelqu’un, parent ou ami, lui être agréable est pour moi plus qu’un plaisir, c’est une joie ; voilà pourquoi je puis préjuger un peu pour l’avenir.


Peut-être aurais-je une lettre de vous demain matin. Je le souhaite bien vivement, car je partirais de suite pour Paris afin de m’entendre avec mon beau-frère, et en sortant de chez lui, j’irais vous voir et causer avec vous.


J’ai été aujourd’hui très occupé par l’installation de l’école de télégraphie militaire qui est venue se fixer au camp, sans quoi, j’aurais été certainement jusqu’à la rue Lecourbe. J’ai envoyé chez ma sœur, qui n’a su me donner aucune nouvelle.

 


J’attends donc demain avec impatience, agité autant par l’espoir que par la crainte.

Merci encore une fois de tout votre dévouement que je n’oublierai jamais quoiqu’il arrive.

Rappelez-moi au bon souvenir de tous ceux qui vous entourent et agréez avec mes hommages l’assurance de mes sentiments affectueux et dévoués.


L. Hackspill

 

 

NB : Le type de conventions matrimoniales était fonction, au 19e, de l'état de fortune des futurs mariés. C'est surtout en cas de remariage que le besoin de faire rédiger un contrat se faisait sentir. La présence d'enfants issus du mariage précédent n'est pas seule en cause, mais l'âge généralement plus élevé des futurs, le fait qu'ils sont engagés depuis longtemps souvent dans leur profession ou que leurs avoirs sont plus importants. Source : Ph. Godding

Par ailleurs, au XXe siècle encore, l'armée semblait exercer un certain droit de regard sur les unions contractées par ses officiers supérieurs. Enquête discrète était faite sur l'honorabilité de la future épouse mais aussi sur fortune personnelle.

Pour mieux comprendre le contexte, faudrait relire Honoré de Balzac.




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